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DEI-France

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UN COMMUNIQUE de

Saint-Denis, le 27 Novembre 2009

DES ETATS GENERAUX DE L’ENFANCE ?

A condition de prendre en considération

TOUS LES DROITS DE TOUS LES ENFANTS

Le président de la République a annoncé la tenue d’Etats généraux de l’enfance lors d’un entretien avec quelques associations triées sur le volet présidentiel à l’occasion des 20 ans de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant (CIDE).

Tout laisse à penser que le président de la République n’a pas encore, 20 ans après, intégré la lettre ni l’esprit de cette Convention que le Comité des droits de l’enfant de l’ONU rappelle pourtant régulièrement à la France (la dernière fois en juin 2009 avec des observations relativement sévères). Or la définition des droits de l’enfant qui s’impose juridiquement à l’Etat n’est pas la vision que M. Sarkozy ou Mme Morano peuvent en avoir personnellement – une vision qui nous ramène à la fin du 19ème siècle, réduite aux droits des enfants maltraités à être protégés contre leur famille - mais bien celle donnée dans la Convention, traité international ratifié par la France qui crée des obligations à l’Etat. dont le président est le premier garant (cf ci-dessous [i]).

Non, Monsieur le Président de la République, les droits de l’enfant ne se réduisent pas à la lutte contre la maltraitance [1] des enfants.

Non, Monsieur le Président de la République, la maltraitance des enfants n’est pas le seul fait des familles.

Et plutôt que de toujours et encore pointer du doigt les « mauvais » parents, il y a lieu que l’Etat commence par assumer ses responsabilités, toutes ses responsabilités (cf ci-dessous [ii]) :

¨ que l’Etat cesse d’exercer lui-même des violences intolérables à l’égard de certaines catégories d’enfants (notamment les étrangers, mineurs isolés ou enfants de sans papiers),

¨ que l’Etat se préoccupe davantage des maltraitances de toutes natures dans les institutions publiques (l’Ecole, la police, les prisons),

¨ que l’Etat préserve les enfants d’une société de plus en plus violente,

¨ que l’Etat cesse d’adopter des lois dont certaines dispositions sont contraires à la CIDE, notamment vis à vis des droits des enfants qui enfreignent la loi pénale

¨ que l’Etat publie les décrets et prévoie les moyens financiers pour appliquer les lois votées par le parlement (notamment celles destinées à mieux protéger les enfants : cf ci-dessous [iii]),

¨ que l’Etat mette en place des politiques efficaces pour donner à tous les enfants des conditions de vie dignes pour grandir (logement, lutte contre la pauvreté),

¨ que l’Etat crée les conditions d’une éducation émancipatrice et respectueuse des droits des enfants (à l’Ecole notamment),

¨ que l’Etat fasse connaître à TOUS les droits de l’enfant tels que définis par la CIDE

¨ et que l’Etat prenne en compte l’intérêt supérieur de TOUS les enfants sur son territoire, y compris les enfants Rom ou les gens du voyage et ceux qui vivent en Outre Mer.

Alors, des états généraux de l’enfance : pourquoi pas ? Mais à certaines conditions:

Sur la base des engagements de la France au titre de la CIDE qui concernent TOUS les droits de l’enfant
En prenant en considération les observations du Comité des droits de l’enfant de l’ONU à la France de juin 2009
avec tous les partenaires : tous les ministères concernés, toutes les collectivités territoriales, TOUTES les associations qui oeuvrent pour les enfants [2], les travailleurs sociaux, mais aussi l’Ecole, les services médicaux, les parents, sans oublier les enfants
dans l’esprit d’en faire émerger un grand projet cadre pour une politique globale cohérente en faveur de l’enfance dans ce pays

DEI-France, et de très nombreuses associations avec elle [3], réaffirme son accord avec les observations adressées à la France en juin dernier par le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies et sa détermination à ce qu'elles soient respectées, tant pour la protection, que pour une éducation émancipatrice et pour l'exercice des libertés et de la participation des enfants. Elle insiste aussi sur la nécessité, comme recommandé par le Comité, de renforcer les missions et les moyens de l’institution indépendante spécifique du Défenseur des enfants, au lieu de la supprimer.

Ce n’est qu’à ces conditions que le président de la République, premier garant des engagements internationaux souscrits par l’Etat français, montrera l’exemple aux enfants en matière de respect de la loi. A ces conditions seulement que l’on pourra éviter que les enfants, futurs citoyens de demain, perdent toute confiance dans les institutions publiques.

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[1] Le terme de "maltraitances" désigne un ensemble composé de violences, de carences et de négligences graves

[2] Et pas seulement celles qui oeuvrent pour la protection de l’enfance, dont certaines utilisent malheureusement l’émotion suscitée par quelques enfants victimes, au détriment souvent de l’intérêt supérieur de tous les enfants et du respect de leurs droits

[3] A l’initiative de DEI-France, 30 ONG ont écrit le 5 octobre dernier une lettre ouverte au président de la République pour lui demander quelle suite il comptait donner aux recommandations du Comité à la France. Nous n’avons à ce jour aucune réponse.

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[i] L’esprit et la lettre de la Convention relative aux droits de l’enfant sont méconnus

L’enfant est un sujet de droits humains dès son enfance, personne humaine d’égale dignité aux adultes, titulaire des mêmes droits, en même temps que nécessitant des droits spécifiques en raison de sa vulnérabilité et de son « inachèvement ».

Les adultes et l’Etat ont donc l’obligation de prendre en compte tous « les droits de l’homme de l’enfant » de façon globale, droits à être protégés mais aussi droit à une éducation émancipatrice, droits à libertés (d’expression, de conscience, de religion, d’association), droit à être respecté, à être écouté et à voir son avis dûment pris en considération, droit à ce que l’intérêt supérieur des enfants soit la considération primordiale dans toute décision les concernant.

Les parents, qui ont la responsabilité première d’élever l’enfant, ont droit à l’aide et au soutien de l’Etat dans cette tâche.

Les droits reconnus aux enfants par la Convention concernent tous les enfants (tous les moins de 18 ans) sans discrimination, quelle que soit leur situation ou celle de leurs parents.

***

[ii] Préserver les plus vulnérables : oui mais sans oublier certains d’entre eux :

Le président dit s’attacher à préserver les plus vulnérables. Faut-il lui rappeler qu’au sens de la CIDE, il y a parmi ceux-ci :

¨ Certes les enfants en danger dans leur famille, situations que l’Etat a d’ailleurs l’obligation de prévenir au mieux avec, entre autres, une information aux enfants et aux parents sur les droits des enfants

¨ Mais aussi des enfants qui subissent des violences ( physiques et psychologiques) dans des institutions sous tutelle publique (Ecole, institutions de protection de l’enfance)

¨ Des enfants ghettoisés dans des quartiers sans espoir, livrés à eux mêmes et stigmatisés dans les médias et les discours politiques, qui vivent au quotidien la violence d’une incitation permanente à la consommation, hors de portée pour eux

¨ Mais aussi les mineurs isolés étrangers qui arrivent aux frontières et subissent, alors qu’ils ont déjà un parcours traumatisant, la violence des refoulements, du maintien en zone de rétention avec les adultes, de la suspicion systématique sur leur âge, de l’absence ou du caractère aléatoire d’une véritable protection leur permettant d’échapper aux trafics et de l’impossibilité de construire un projet de vie durable ici

¨ Mais aussi les enfants « délinquants », enfants en danger sinon eux-mêmes victimes, et ce jusqu’à 18 ans (article 1° de la CIDE), qui subissent parfois des abus policiers, et attendent plusieurs mois qu’un éducateur ou une place en foyer se libère pour les aider à « redresser la barre », faute de moyens affectés à ces tâches dans le budget de la justice

¨ Mais aussi les enfants étrangers de sans papiers qui vivent dans l’insécurité permanente et subissent parfois des violences inouïes (arrestation, rétention, expulsion) du fait des décisions préfectorales

¨ Mais aussi les enfants des Roms ou des gens du voyage qui n’accèdent que très peu à la scolarisation et dont le nomadisme n’est pas nécessairement une volonté des parents mais souvent le résultat d’expulsions par les pouvoirs publics

¨ Mais aussi les enfants de l’Outre Mer dont certains n’ont même pas accès à un état civil ou à la scolarisation

¨ Les enfants en situation de handicap qui malgré des progrès sont encore trop souvent exclus de l’Ecole et de l‘accès aux loisirs

¨ Sans oublier les enfants pauvres pour lesquelles l’Etat a l’obligation de mettre en place des politiques non discriminantes de logement et de soutien aux familles pour un niveau de vie suffisant, ce qu’il fait de façon encore bien incomplète actuellement.

***

[iii] L’objectif des états généraux annoncés : du déjà vu !

La ministre de la Famille annonce que l’objectif de ces états généraux est d’améliorer tout ce qui concerne la protection de l’enfance : aurait-elle oublié la grande concertation menée par son prédécesseur Philippe Bas en 2006, qui a mené à la loi de réforme de la protection de l’enfance du 5 mars 2007, mais que cette loi attend pour être pleinement mise en œuvre que le gouvernement publie tous ses décrets d’application, notamment celui qui concerne le fond de financement de la protection de l’enfance, destiné à "compenser les charges résultant pour les départements de la mise en oeuvre de la loi selon des critères nationaux et des modalités fixés par décret et de favoriser des actions entrant dans le cadre de la réforme de la protection de l'enfance et définies par voie conventionnelle entre le fonds et ses bénéficiaires".

Il semble même que le gouvernement ait envisagé de ne pas mettre en œuvre cette disposition législative votée par le parlement puisque la ministre de la famille, interrogée par une sénatrice le 23 juin dernier a répondu que "la création d'un fonds supplémentaire viendrait complexifier, brouiller les financements déjà existants". Elle a précisé que "ce sujet a d'ailleurs fait l'objet d'un arbitrage gouvernemental".

Et si le président a demandé le 20 novembre à la ministre de la Famille de voir avec les associations comment mettre en oeuvre ce fonds, il se trompe d’interlocuteur puisque le problème est avant tout un problème de financement entre l’Etat et les Départements.

Enfin, s’il fallait encore améliorer la protection de l’enfance, ce serait aussi en s’intéressant aux manques de cette loi du 5 mars 2007, notamment la prise en compte des maltraitances institutionnelles (et pas seulement dans le cadre familial) ce qui ne semble pas être la direction annoncée le 20 novembre à l’Elysée.