Dénonciation ou délation
par
Igor Reitzman
Décourager par l'étiquette
Ceux qui détiennent une parcelle
du pouvoir de violance symbolique peuvent faire obstacle à une
conduite honorable, en l'amalgamant avec des conduites infâmes.
C'est ce qui se produit avec le mot dénoncer. Si vous
consultez le Robert, vous trouvez, associés à ce
mot, des termes très déplaisants comme cafarder,
trahir, vendre, balancer, moucharder...
Sortir de la confusion en clarifiant les
définitions
C'est une chose bien étrange que cette
confusion soigneusement conservée à travers les
siècles
entre dénonciation,
mouchardage, délation...
Je propose de réserver le mot délation (ou mouchardage) à toute
action d'information qui va aider le puissant à écraser
le faible (information notamment sur tout effort des opprimés
pour se libérer : propos séditieux, création
d'un syndicat clandestin, projet de soulèvement,
etc.). La délation, le plus souvent secrète
et anonyme, est inspirée par des motivations liées à l'angoisse
et à la destructivité : peur, cupidité,
jalousie, vengeance...
Certaines époques furent dans notre
pays propices à l'industrie
de la délation. On pense évidemment à l'Occupation
et à tous ceux qui se retrouvèrent dans un
camp d'extermination à partir de lettres anonymes
ou non.
Je propose de réserver le mot dénonciation à toute
action d'information qui va aider les opprimés en
faisant connaître les masques et les méthodes
de l'oppression, en appelant l'attention sur un mensonge
officiel ou en montrant
le vrai visage des oppresseurs. La dénonciation
a souvent un caractère public : discours, article
de presse, pamphlet, émission
radio ou télévisée. Elle implique
chez celui ou celle qui ose dénoncer, un moi fort
et une sécurité intérieure
qui permettent d'assumer des risques parfois vitaux.
Si la distinction était mieux établie,
au moins dans le langage, les voisins de l'enfant martyrisé,
hésiteraient
moins à dénoncer les camarades tortionnaires
ou les parents abuseurs ...
Evidemment, cette distinction ne rend
pas compte de toute la complexité du
réel.
extrait du chapitre "Les violances symboliques" dans Longuement
subir puis détruire
: De la violance des dominants aux violences des dominés
(Éd.
Dissonances, 2002) - texte complet sur ce site
Igor Reitzman
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