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Comment l'antisémitisme
engendra le sionisme

"Tu ne supportais pas l'oppression, ni l'injure,
Tu rêvais d'être libre et je te continue.

(Paul Eluard, Dit de la force de l'amour)

C'est en pensant à mon père, Jacob Reitzman,
que les nazis déclarèrent juif pour pouvoir le gazer,
c'est en pensant à mon père, que je me suis décidé
à m'engager sur ce qui se passe en Palestine.

Commencée il y a un peu plus d'un siècle,
par l'OSM, le mouvement sioniste mondial
(voir annexe),
la colonisation de la Palestine est, à mes yeux,
l'un des pires fruits empoisonnés
de l'antisémitisme chrétien, l'autre étant la Shoah.

Installé dès le Moyen Age dans l'Europe chrétienne,
l'antisémitisme tenace et général a été entretenu
avec ferveur et continuité dans la totalité des paroisses,
avec ses Passions, ses rumeurs,
ses pogroms s'éteignant ici pour se rallumer là,
avec ses petits et ses grands massacres
légitimés par avance dans l'évangile de Mathieu
("Que son sang retombe sur nous et sur nos enfants").

Je comprends que beaucoup de juifs, religieux ou non,
aient rêvé d'un pays dans lequel ils n'auraient
plus jamais à souffrir de l'antisémitisme.
Je comprends qu'à partir de leur culture,
ils aient pensé à la Palestine.
Il y a plus de 40 ans, j'ai vécu des émotions intenses
en regardant le film de Preminger, Exodus.
Je me suis identifié à ces rescapés
des camps d'extermination nazis.
J'étais indigné face à la dureté des militaires anglais.
Je ne comprenais pas pourquoi les villageois palestiniens
étaient aussi peu accueillants
pour ces juifs qui avaient tant souffert.
Je n'ai pas soupçonné une seconde qu'il y avait dans ce film,
un puissant mélange de vérité et de mensonge.
Mon impensé sur le Moyen Orient avait laissé un vide
que le film combla pour longtemps.
Entre les survivants de la shoah
(des acteurs sympathiques et populaires)
et ces Arabes (des figurants) que l'on me présentait
comme fanatisés, encadrés par d'anciens nazis,
je ne pouvais hésiter.
Mon impensé était devenu une opinion
et je me suis désintéressé du problème.
Depuis 1950, j'étais mobilisé par d'autres luttes :
les guerres coloniales, la torture, la bombe atomique…


Le choc des intifadas

Il fallut les intifadas pour bousculer
mes naïves évidences.
Ces centaines d'enfants qui continuaient
à jeter des pierres sur des soldats armés…
C'est seulement là que j'ai pris conscience
de l'occupation militaire.
Quand une armée tire à l'arme automatique
sur des enfants qui jettent des pierres,
c'est aux enfants que va mon admiration,
c'est cette armée qui me fait horreur.
J'ai un profond respect
pour ces soldats et ces officiers juifs
qui ont eu le courage de refuser le terrorisme d'Etat.
J'ai de la gratitude
pour ces nouveaux historiens israéliens,
pour ces archéologues, ces journalistes, ces cinéastes
qui me permettent de réfléchir autrement
sur cette histoire
et me confirment qu'il existe en Israël des juifs
pour qui la vie d'un enfant palestinien
est aussi précieuse que la vie d'un enfant juif.


Je ne renie pas mon identification
aux juifs débarquant de l'Exodus.
C'étaient des fugitifs cherchant un pays
pour y vivre en paix.
Beaucoup de persécutés vinrent aux Etats-Unis
après 1933 et cela s'est passé sans bain de sang
car ils n'avaient pas le projet d'y imposer un Etat juif
et d'en chasser les habitants par tous les moyens,
y compris par les massacres et la terreur.

Beaucoup d'enfants maltraités deviennent maltraitants.
La persécution installe souvent chez les victimes,
la conviction que chacun a seulement le choix
entre écraser et être écrasé.
Je n'approuve pas du tout mais je peux comprendre
que des siècles de persécution aient installé
chez beaucoup de juifs,
la conviction qu'en étant les maîtres d'un pays,
qu'en étant enfin ceux qui tiennent le fouet,
leur sécurité serait enfin assurée.

Pour vider la Terre Promise de son peuple non élu,
le modèle biblique de l'extermination
n'est pas seulement inacceptable éthiquement.
Il est totalement périmé
au plan de l'efficacité la plus cynique.
Les Prophètes n'avaient pas prévu la photographie,
le cinéma, la télévision, internet,
et une opinion publique mondiale informée dans l'heure.

Comme au Vietnam, comme en Algérie, comme en Irak,
le colonisateur peut gagner 100 fois militairement,
écraser une population sous les bombes,
mais au bout du compte, il ne peut que perdre
politiquement et moralement.

Le sionisme engendre un nouvel antisémitisme

dérapage dangereux, injuste
mais malheureusement banal
d'une indignation légitime
face aux massacres de civils palestiniens
et à l'occupation militaire.

 

Ce nouvel antisémitisme ne menace pas seulement
le peuple d'Israël (sionistes comme non- sionistes)
mais aussi les juifs du monde entier,
dans la mesure où des notables qui prétendent
les représenter dans chaque nation,
persistent à cautionner depuis 60 ans,
l'occupation et les massacres.


En les condamnant clairement et publiquement,
j'ai la conviction de lutter non seulement pour la justice,
première condition de la paix au Moyen-Orient,
mais aussi contre le nouvel antisémitisme
plus dangereux que l'ancien
puisqu'il se fonde non sur de vieilles légendes
dépourvues de toute rationalité,
mais sur une terrible actualité.

 

                   Igor Reitzman - Le 28 01 09

(Les deux derniers paragraphes ont été ajoutés le 27 09 10)

 

Annexe : Les débuts du mouvement sioniste

• C'est après les sanglants pogroms de 1881 dans la Russie tzariste, qu'un médecin d'Odessa, Léon Pinsker, publie le premier vrai manifeste sioniste. Et en 1896 Theodor Herzl, journaliste hongrois qui a perdu ses illusions francophiles en assistant à Paris à la dégradation du Capitaine Dreyfus, sous les cris de "Mort aux Juifs", publie Der Judenstaat (L'État des juifs), un livre dans lequel il appelle à la création d'un État pour les Juifs. L'année suivante, en 1897, il convoque à Bâle le premier congrès sioniste mondial. Il compte sur l'appui des grandes puissances puisqu''il se place dans la perspective coloniale de l'époque : « Pour l'Europe, nous formerons là-bas un élément du mur contre l'Asie, ainsi que l'avant-poste de la civilisation contre la barbarie ». […]
Lors du troisième congrès sioniste, en 1899, le lancement de la Banque coloniale juive est décidé. Elle est chargée du financement des achats de terres en Palestine. […]
Cette politique est l'une des sources de l'hostilité arabe, car bon nombre de terres vendues sont des métairies dont les fermiers sont expulsés par les propriétaires fonciers […].
(informations trouvées dans le très riche article de Wikipedia sur le Sionisme)

 

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