Accueil > Sommaire >Violance et besoin de pouvoir

Violance et besoin
 de pouvoir

La peur vécue de manière répétitive mais aussi le fait d'avoir été utilisé(e) pour assouvir les besoins (sexuels ou non) de l'adulte induisent un vif besoin de contrôler l'autre... La privation de tendresse quand elle se prolonge conduit la personne à se chercher des compensations du côté des satisfactions de pouvoir... Pour celui qui ne s'est jamais senti reconnu, la position dominante peut être recherchée du fait des signes de reconnaissance qu'elle garantit... Pour celle qui a connu l'humiliation et les coups, occuper la position dominante, c'est l'occasion d'être à son tour, celle qui frappe et qui humilie, ou simplement la garantie de ne plus jamais être frappée et humiliée... Celui qu'on n'écoutait jamais, qu'on ne respectait pas, pense qu'on sera bien obligé de l'écouter et de le respecter...


Nous le voyons : pour des raisons différentes, généralement cumulées, les gens qui ont subi très tôt des maltraitances massives, ont un énorme besoin de pouvoir. Besoin de pouvoir pour lui-même mais aussi la plupart du temps pour ce qu'on espère se procurer grâce à ce pouvoir (sécurité, reconnaissance, amour, écoute, mais aussi éventuellement consommation, humiliation, abaissement et destruction de l'autre...)


Ce besoin de pouvoir doit être bien distingué de la situation d'autorité qui relève souvent de la nécessité la plus élémentaire. La vie d'un orchestre ou d'une entreprise ne se conçoit pas sans un chef mais bien des gens confondent la reconnaissance d'une autorité nécessaire avec une approbation de l'autoritarisme. La situation  d'autorité la plus simple est celle du parentage  ; à la naissance, c'est même un cas limite : un nouveau-né totalement dépendant, des parents tout puissants... Qu'ils le souhaitent ou non, leur pouvoir est sans bornes, sans contrepoids et presque sans contrôle... Que vont-ils en faire ?  Le mobiliser au service de l'épanouissement de l'enfant ou bien au service de leurs besoins à eux ?
Le pouvoir n'est pas nécessairement associé à une situation d'autorité. Il peut traduire tout simplement "la raison du plus fort"  limpidement montrée par La Fontaine.


L'enfant l'apprend dès l'école élémentaire, justement dans "le loup et l'agneau", mais les contes, les dessins animés et bien souvent toute son expérience d'agneau, ont préparé le terrain. La vie au collège lui apportera des confirmations multiples : Mange-t-il dans un réfectoire aménagé en self ? Dans la longue file qui conduit aux plateaux, son attente sera, chaque jour, rallongée et poivrée d'amertume, devant le dépassement par des plus grands (élèves et surtout professeurs)… Mange-t-il  dans un réfectoire traditionnel ?  Il est courant que les plus grands se servent très copieusement avant de passer le plat presque vide aux plus petits en bout de table. On me dira que c'est la marque d'une grande délicatesse puisqu'ils ne crachent pas dedans, comme dans ce collège évoqué par Michel Houellebecq dans Les particules élémentaires. "Mieux vaut une injustice qu'un désordre"  disait Goethe . Les "éducateurs" s'intéressent peu à ces détails pourtant d'autant plus structurants qu'ils seront répétés sur des années entières dans un contexte institutionnel qui leur confère une obscure légitimité.


On peut occuper une situation d'autorité et avoir un faible besoin de pouvoir ou au contraire être de tout côté dépendant et avoir un énorme besoin de pouvoir. Les satisfactions procurées ne sont pas nécessairement associées à des positions d'autorité prestigieuses : elles peuvent être plus nombreuses et plus intenses pour un maître-chien, un sergent de Centre d'Instruction, un gardien de prison, un contremaître, un maître d'école, un parent, que pour le 1er président de la Cour de Cassation. Un cas extrême est celui de certains enfants qui parviennent à tyranniser toute une famille...


Le bizutage qui sévit dans certains établissements militaires, scolaires et universitaires peut être considéré comme une sorte de cas limite : Le simple fait d'être né deux ans plus tôt, procure à certains individus - pour quelques heures ou quelques mois - le droit exorbitant de faire vivre aux plus jeunes, la peur, la souffrance, le dégoût et l'humiliation... Il serait intéressant de regarder de plus près ce qui caractérise, dans la promotion dominante, ceux qui font subir les plus graves brimades: on devrait trouver chez les plus sadiques une petite enfance griffée de maltraitances, peut-être aussi de la jalousie vis-à-vis d'un cadet préféré...


On me dira qu'il y a des bizutages innocents avec, dans la rue, barboteuses et farine. Mais c'est le principe même du bizutage qui est mauvais. Dans cette perspective, les bizutages innocents sont les pires car ils fournissent la vitrine de respectabilité rigolarde, tandis qu'en d'autres lieux, de sinistres traditions se perpétuent.

Igor Reitzman

Extrait de mon livre Longuement subir... disponible sur ce site http://www.reitzman.fr/PDF/Subir/Subir_livre.pdf

 

 

Evidemment je me sens plutôt du côté d'Eluard affirmant que "l'injustice est le pire désordre".

  Notons au passage que le terme structurant n'évoque pas nécessairement une réalité bénéfique. Le plus épouvantable des conditionnements est incontestablement structurant !

Voir sur mon sire Le  bizutage comme couronnement du dressage

e

 Vous pouvez m'écrire      
- pour partager vos ressentis (plaisir, agacement, surprise, intérêt…),
vos témoignages,
vos réfutations, vos suggestions...
(
Précisez si vous souhaitez que votre texte soit mis en ligne)