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LES BOURREAUX DE
LA SHOAH :
DU BAIN CULTUREL A L'USINAGE

Ce texte condense quelques centaines de pages déjà installées sur le site ou encore à mettre en ligne.
Il peut constituer un plan de cours ou de conférence.
Il est évidemment partiel et partial
comme tous mes autres textes

Le bain culturel

Ce qui est valorisé :
Le militarisme et les valeurs associées : torses bombés, uniformes avec bottes, défilés au pas cadencé avec musique militaire, les armes, le drapeau, la hiérarchie, les décorations, les ordres hurlés, les monuments aux morts, la manière forte, la dureté, la virilité, le duel et les balafres comme preuves de virilité, les organisations paramilitaires, la hiérarchie, l'ordre, la discipline, le nationalisme, le chauvinisme, la race aryenne, la terre des pères, le droit du sang, l'eugénisme d'Etat, le culte du Chef, l'autorité, la soumission, la fidélité, le droit du plus fort, le culte des traditions, la mort…

Ce qui est méprisé :
1789 et les droits de l'homme, la démocratie, le parlementarisme, la réflexion personnelle, la culture, le débat baptisé "parlote"), l'originalité, la sensibilité, la tendresse, la compassion, les juifs, les nègres, les arabes, les étrangers, les métèques, le métissage, les intellectuels, les francs-maçons, les faibles, les infirmes, les femmes (sauf comme mères de soldats), la vie…


Un dressage qui perpétue et
consolide cette culture

Il est assuré par la pédagogie noire qui empêche de voir,
sentir et juger ce qu'on a subi durant la première enfance.

Le dressage dans sa version douce
        Le dressage dans sa version douce (la violance éducative ordinaire sans fouet ni nerf de bœuf) fournit non seulement les auxiliaires dociles éventuellement navrés, mais aussi une population accoutumée à ne voir et entendre que ce qu'on lui ordonne de voir et d'entendre.

Le dressage dans sa version dure

     Le dressage dans sa version dure (avec châtiments corporels lourds et quotidiens) façonne les chefs, les collaborateurs les plus zélés et les tortionnaires. Il constitue une sorte de pré-usinage :
           1- des modèles d'identification : les premiers moules de la férocité
(voir Violence d'identification et Violence de transfert)
           2- un besoin intense et démesuré de vengeance :
il faudra bien que quelqu'un paye pour tout ça !
(voir Genèse de la destructivité)
           3- une mutilation de la sensibilité
(voir De la maltraitance à l'insensibilité)

Les rouages du rouleau compresseur

• La famille patriarcale (Cf. Wilhelm Reich, Psychologie de masse du fascisme)
• L'école traditionnelle et l'Université
• Les clergés (Cf. les Epîtres de Paul, notamment Romains VIII, Ephésiens VI, Thimothée VI)
• L'entraînement sportif
• La caserne
• Les entreprises et administrations
• Après 1933, le conditionnement des esprits est lourdement renforcé par un réseau d'organisations spécialisées dont les plus connues sont les Jeunesses hitlériennes

La tradition théologique et philosophique

L'antijudaïsme (Evangile de Matthieu, pamphlet de Luther…)
La soumission (St Paul, Fichte, Schreber…)
L'exaltation du Surhomme et de la volonté de puissance (Nietzsche) (1)


Des déterminismes familiaux
aux traumatismes collectifs

Dans nombre de familles, les maltraitances lourdes installent un besoin de vengeance, des rages accumulées qui ne demandent qu'à se décharger sur les victimes qui leur seront désignées ou même livrées.
Les grands traumatismes des sociétés germaniques entre 1914 et 1933 (les morts, les mutilés, l'humiliation de la défaite et du traité de Versailles, l'occupation de la Ruhr, les territoires perdus, les déplacements de populations, les Réparations exigées par les vainqueurs, une inflation catastrophique, la grande crise économique des années 30 – faillites et chômage massif) ajoutent leur poids collectif de rancœur aux frustrations et aux rancunes privées. Le mécontentement populaire inquiète les élites quand il se manifeste par des révolutions écrasées, des grèves et l'essor des partis qui se réclament du socialisme et du communisme. Il faut donc au plus vite dériver ce mécontentement vers le Juif, bouc émissaire désigné par une tradition antijudaïque installée depuis le Moyen-Age.
Au couplet français "L'Allemagne paiera" répond le refrain nazi, fruit d'une culture intensive : "Le Juif paiera". Remarquons que le verbe payer n'est plus cette fois un terme seulement économique, mais la plus sinistre des menaces.


L'usinage des bourreaux

     Comme dans tous les régimes totalitaires, il faut sélectionner puis usiner sur le principe :

Fais subir aux apprentis les maltraitances
   qui doivent devenir leur compétence.

     Le chef auquel les SS vont s'identifier, doit alterner brutalité intense et dévalorisation absolue de chaque recrue (Tu es nul, stupide) avec paternalisme et exaltation de l'esprit de corps (Le groupe auquel vous appartenez, constitue l'élite de ce pays. Les autres sont des cloportes).

      Une nouvelle sélection permettra d'écarter ceux qui manifestent un malaise face aux suppliciés. La pression du groupe SS devenu pour chacun des exécutants, groupe de référence, viendra renforcer l'état agentique (1) mis en place dès l'enfance. Pour ces hommes, il ne s'agit pas seulement de soumission mais aussi de crainte du jugement des pairs, un jugement adossé à un système de valeurs pervers : pour le SS, est lâche, non pas celui qui torture un être sans défense, mais celui qui laisse les copains faire le sale boulot. Cette crainte du jugement des camarades s'accompagne d'une peur du rejet dans un temps où manquent les soutiens et repères habituels (famille, amis, domicile, etc.), tandis que le quotidien est réellement ou fantasmatiquement dangereux.On peut aller un peu plus loin en comparant avec ce qu'ont vécu des jeunes militaires français entre 1954 et 1962. (voir sur ce site : La guerre d'Algérie comme analyseur de l'école)

             Ebauche de synthèse

L'antijudaïsme éliminationniste prend le pouvoir et impose progressivement ses solutions génocidaires par la rencontre des besoins des élites avec des besoins de vengeance et d'intégration d'une partie plus ou moins importante de la population. Mais la réalisation d'une action massive comme la mise à mort de plusieurs millions d'êtres humains suppose en outre la passivité du plus grand nombre. C'est essentiellement cette passivité qui peut être imputée au système éducatif des sociétés germaniques…

(1) Pour Stanley Milgram, l'état agentique, c'est la condition de l'individu qui se considérant comme l'agent d'exécution d'une volonté extérieure, renonce à sa responsabilité et à sa capacité critique au profit du système dans lequel il se trouve inséré. Dans cette relation symbiotique, sa conscience est, au moins temporairement, obscurcie.

Igor Reitzman

 

(1) Michel Onfray dirait que la véritable pensée de Nietzsche est aux antipodes et il a sans doute raison. Comme sociologue, ce qui m'importe, ce n'est pas la vraie pensée de Nietzsche, mais comment les nazis, avec la complicité de sa soeur, ont utilisé son nom et son langage...

Annexes

Documents filmés utilisables :

- Dans I comme Icare de Verneuil, l'expérience de Milgram (voir sur le site le rappel de cette expérience)
- Le fils de ton voisin (Amnesty International nous montre dans ce court métrage, l'usinage brutal des futurs tortionnaires dans la Grèce des Colonels)
- Début de Full Metal Jacket (de Stanley Kubrick) : le conditionnement des jeunes marines avant le départ pour le Vietnam.

Bibliographie :

Sur la pédagogie noire : Alice Miller : "C'est pour ton bien", "L'enfant sous terreur", "La connaissance interdite", "La souffrance muette de l'enfant", “Abattre le mur du silence”

Sur la soumission :  Stanley Milgram, "La soumission à l'autorité."
et bien entendu les Epîtres de Paul (dans le Nouveau Testament)

et la moitié des textes de ce site

 

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