Quand un président se tire
une balle dans la botte
faute d'un peu de plomb sous le képi

Des enfants de la Shoah aux enfants de CM2

De tous les caprices sortis tout armés de la tête du Prince, c'est le pire. Talleyrand aurait dit : "Pire qu'un crime, c'est une faute."
Instrumentaliser du même coup les enfants de la Shoah et les CM2 des années Sarkozy, cela suppose beaucoup de cynisme ou bien peu de réflexion. On consulte avant de lancer une mesure aussi grave. Pourquoi n'avoir pas demandé d'abord ce qu'en pensait son amie Simone Veil, présidente d'honneur de la Fondation pour la mémoire de la Shoah et ancienne déportée ? Elle aurait certainement préféré lui dire en privé, ce qu'elle fut obligée de déclarer publiquement : "une mesure inimaginable, insoutenable et injuste. (…) On ne peut pas infliger ça à des petits de dix ans. On ne peut pas demander à un enfant de s'identifier à un enfant mort. Cette mémoire est beaucoup trop lourde à porter".
Comme ancien psychothérapeute et comme grand père, je ne puis qu'approuver. Je n'ai pas envie que l'école fournisse en cauchemars mes petits-enfants !

Un cadeau empoisonné

Sur le plan politique, c'est aussi grave. Plus le candidat sema l'illusion , plus l'élu récolte le rejet de ceux qui se sentent bernés. Cette vague d'impopularité inévitable lui fait perdre la tête. A la recherche de soutiens communautaires, il fait la cour aux cathos traditionalistes, puis au CRIF. Mais en flattant ces minorités, il va encore diviser par deux sa cote. Bien des gens penseront et diront qu'il "n'y en a que pour les juifs". C'est un cadeau empoisonné qui risque plutôt d'aggraver l'antisémitisme dans notre pays. Pourquoi les enfants de la Shoah plutôt que les enfants victimes de l'esclavage pendant des siècles ou les enfants algériens victimes de la guerre d'Algérie, ou les enfants tutsis assassinés ou les enfants palestiniens d'aujourd'hui?

La balle dans la botte

D'ailleurs, M. Sarkozy me semble imprudent et pour tout dire, inconséquent. Raconter les rafles, les familles qu'on vient chercher chez elles au petit matin, les camps de concentration en France, c'est nécessairement montrer les auxiliaires de la persécution : des hommes en uniforme, policiers et gendarmes. Les films, les photos montreront ces hommes en action. Comment les enfants de 2008 pourraient-ils se sentir ensuite protégés lorsqu'ils auront affaire dans la rue aux mêmes uniformes ? Et puis ne risquent-ils pas de faire des rapprochements avec des événements actuels ? Nous les adultes, nous savons que ce ne sont plus des enfants juifs que les policiers viennent chercher dans les écoles, qu'ils ne les emmènent pas dans un camp de concentration mais dans un centre de rétention. Mais nos enfants ne risquent-ils pas de mal percevoir ces différences. Faire confiance à tous les enseignants de France pour expliquer ces nuances délicates, n'est-ce pas naïveté ?


Et puisque les caisses sont vides, où trouver l'argent qui permettrait à M. Sarkozy d'offrir, avant la prochaine rentrée, à l'ensemble de la police et de la gendarmerie, les uniformes du 2ème millénaire, donc vraiment différents de ceux qui sont montrés dans des films comme Les Guichets du Louvre de Michel Mitrani ou Monsieur Klein de Joseph Losey ? Evidemment, il existe une solution plus économique qui consisterait à placer à la tête des chaînes TV, des hommes responsables et dévoués qui veilleront à ce qu'aucun film sur l'Occupation ne soit diffusé dans les 4 ans à venir, à moins qu'il ne soit débarrassé des képis et des pèlerines.
Faute de quoi, notre président risque de se retrouver en examen pour démoralisation de l'armée et de la police.

Igor Reitzman  

 

 Vous pouvez m'écrire      
- pour partager vos ressentis (plaisir, agacement, surprise, intérêt…),
vos témoignages,
vos réfutations, vos suggestions...
(
Précisez si vous souhaitez que votre texte soit mis en ligne)

 

Retour au Sommaire