Le café-philo comme outil d'évolution
par
Igor Reitzman
Richesse et inconfort de la dissonance
Dans ce café-philo, se retrouvent
périodiquement
des personnes très différentes par l'âge, la profession,
les options politiques et philosophiques. Spiritualistes et matérialistes,
sensibilités anarchistes et conservatrices s'y rencontrent paisiblement,
cordialement même. Les participants sont très différents
aussi par le niveau d'information philosophique. Grâce à cette
diversité des parcours, chaque échange nous conduit à prendre
conscience que sur tel point essentiel ou accessoire, nos évidences
personnelles ne sont pour l'autre qu'une opinion respectable. L'affirmation
dissonante de l'autre est pour moi richesse, stimulation et inconfort.
Je découvre tout à coup que ce que je prenais pour une
idée claire n'était qu'un point de vue à éclaircir.
Mon voisin disait des choses avec lesquelles je me sentais profondément
en accord et le voilà maintenant qu'il développe sur un
autre sous-thème, une idée qui heurte durement ce à quoi
je crois depuis toujours, ce que jamais je n'aurais songé à remettre
en question. Si la dissonance est
trop lourde, trop massive, je vais peut-être renoncer à ces
rencontres du samedi. Mais si la dissonance est émiettée,
si ma réflexion des jours
suivants, mes échanges ailleurs, avec d'autres m'ont permis de
la réduire de façon positive, c'est-à-dire sans
me dévaloriser et sans dévaloriser l'autre, le café-philo
peut devenir pour moi un bon outil d'évolution.
La dissonance ne vient pas nécessairement
par l'autre. Par exemple quand je voudrais intervenir et que j'ai de
la difficulté à demander
la parole, quand ce que j'ai exprimé me semble en décalage
avec ce que j'avais prévu de dire, quand j'ai trouvé mon
intervention trop brutale, trop longue, quand je me demande si je n'ai
pas blessé une participante… Venir régulièrement
au café-philo, c'est s'exposer à vivre toutes sortes de
dissonances en sortant. Comment chacun se débrouille pour réduire
ses dissonances, ce pourrait être un sujet d'échange passionnant.
Chacun vient au café-philo à partir
de motivations différentes
et avec des objectifs différents. Nous y revenons dans la mesure
où ce que nous y trouvons n'est pas trop dissonant par rapport à ce
que nous en attendions. Je suppose – en prenant le risque de me
tromper – que chacun de nous apprécie le trait d'union qu'installe
le Bouchon, entre la tendance café et la tendance philo.
- la tendance philo : Priorité est donnée au débat
philosophique, au choc des idées, à l'approfondissement, à l'acquisition
d'outils pour la réflexion. Peu importe que les interlocuteurs
soient différents chaque fois, peu importe le nombre des participants
pourvu qu'ils soient clairs et courtois…
- la tendance café : Priorité est donnée à la
rencontre, au relationnel convivial, à la découverte de
personnes dont les centres d'intérêts ne sont pas trop différents
des nôtres, au cheminement d'un groupe qui prendrait en compte
dans une certaine mesure, les besoins psychosociaux de chacun (besoin
d'expression, d'écoute, de reconnaissance, de chaleur, d'intégration…).
Dans cette seconde perspective, le groupe est le fil qui relie chaque
perle, c'est-à-dire chaque séance avec son thème
particulier. Prendre ce fil en compte, ce serait ouvrir de façon
concrète un espace et un temps pour parler de ce que la rencontre
du jour ou la précédente nous a fait vivre : plaisir, agacement,
malaise, crainte d'un malentendu. Pour dire comment l'échange
passé nous a fait cheminer ou nous a dérangé.
On a fait jusqu'à présent
comme si la tendance philo était
la seule légitime. Et si l'on faisait une petite place à la
tendance café ?
Igor Reitzman
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