Du droit divin
au suffrage universel
par
Igor Reitzman
Dans l'Ancien Régime, la cérémonie
solennelle du sacre conférait à un individu qui était tout
platement fils aîné du roi précédent, une légitimité surnaturelle.
Qu'il soit à demi-fou, vaguement débile ou plus intéressé par
la cueillette des femmes que par les affaires de l'Etat, il devenait, par la
caution du clergé, un personnage sacré, un thaumaturge qui - en
FRANCE - était censé guérir des écrouelles rien qu'en
les touchant. l'Eglise avait installé solidement la croyance dans la monarchie
de droit divin, qui pouvait se résumer dans la formule suivante :
" Le roi est le représentant de Dieu sur terre, et par conséquent lui désobéir, c'est désobéir à Dieu lui-même."
On ne peut comprendre l'effroyable supplice
de l'écartèlement
infligé au malheureux dément qui avait blessé LOUIS
XV que si l'on se souvient du statut particulier de roi très
chrétien.
Et le pardon des offenses, demanderez-vous. Ce serait oublier qu'à l'inverse
de l'ironie, le pardon doit aller de bas en haut…
Cette croyance commode est aujourd'hui remplacée par une
autre, plus adaptée à une époque dans laquelle
l'aspiration à la
démocratie est d'autant mieux partagée qu'elle est
vague.Bien que cela n'aille pas de soi, la classe politique, avec
l'aide des grands faiseurs d'opinion, a installé solidement
l'illusion qu'il y a démocratie dès l'instant où la
désignation des dirigeants de la Cité se fait par
l'élection. L'exemple de l'Allemagne de 1933 qui vit Hitler
et le parti nazi conquérir le pouvoir par l'élection,
aurait dû, une fois pour toutes, balayer une telle illusion.
Illusion perverse puisqu'elle crée dans une partie des masses
populaires, un rejet de l'idée démocratique au profit
de l'homme providentiel du moment.
Apparences et réalité
Puisque tout l'édifice est cautionné par le suffrage
universel, il est indispensable de s'interroger sur la réalité d'un
mécanisme qui a permis en France et dans les différents
pays du monde, l'accès aux affaires de gens cyniques, corrompus,
totalement indifférents à l'intérêt public.
On est installé depuis longtemps dans la justification que si
le peuple ne gouverne pas comme l'annonce le terme démocratie,
cela tient au fait que les citoyens sont trop nombreux, trop occupés
pour une démocratie directe dans laquelle ils discuteraient et
voteraient eux-mêmes les lois. Il semble entendu une fois pour
toutes que l'on est toujours en démocratie dès l'instant
où ceux qui exercent le pouvoir sont élus par la population.
Mais comment peut-on parler de suffrage universel quand des candidats
sont élus par 20 ou 30% des électeurs inscrits ? Aux Etats-Unis
présentés volontiers comme une grande démocratie,
la réélection du Président Clinton en novembre 1996
a été assurée par 24,5% de la population en âge
de voter.
(50%
des votants qui ne sont eux-mêmes
que 49% de la population en âge de voter (0,50
x.0,49 = 0,245 soit 24,5%)
L'absence d'une alternative crédible
conduit beaucoup de citoyens, notamment dans les milieux populaires à se
désintéresser
totalement de candidats dont ils savent qu'ils n'ont rien à attendre
en tant que citoyens.
ROBERT et FABIENNE avaient voté avec enthousiasme
pour la gauche en 1981, puis profondément déçus,
ils étaient
tout de même retournés aux urnes afin de
voter contre la droite ; peu à peu ils découvrirent
que les uns et les autres utilisaient un langage différent
mais qu'ils faisaient finalement la même chose.
Maintenant ils votent blanc, ce qui leur permet de ne
plus être déçus. Mais les politiques
ont toujours refusé de compter à part les votes blancs,
amalgamés avec les abstentions. Ne pas voter pour eux
doit à tout prix être compté comme indifférence à la
chose publique !
Igor Reitzman
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