Patriotisme ou nationalisme
Les uns le vivent en regardant
passer leur armée le 14 juillet, d'autres en parlant
avec leurs compatriotes à 20 000 Km de Paris, d'autres
en retrouvant leur village natal après un long exil,
d'autres en regardant pour la 5ème fois un film sur
la Libération de
Paris, d'autres en applaudissant le succès d'une équipe
sportive censée représenter la France. Cette émotion
qu'ils ont conscience de partager avec des millions de gens,
et qui leur donne un sentiment très fort d'appartenance,
cette émotion qui nourrit un besoin de filiation, certains
la rattacheront au nationalisme, d'autres au patriotisme. Beaucoup
n'ont jamais eu l'occasion de savoir clairement ce qui différencie
ces deux termes. Pourtant il n'y a rien de commun entre le
nationalisme massacreur du Waffen-SS et le patriotisme de la
poignée
de résistants allemands qui, en 1942, luttaient pour
l'écrasement
de la formidable puissance hitlérienne. En choisissant
ces exemples, je prends d'emblée un cas de figure dans
lequel le nationaliste et le patriote vont être dans
des camps opposés. Deux ans plus tard, lorsque la défaite
des armées du IIIème Reich ne fait plus de doute,
certains officiers nationalistes allemands feront des choix
moins mécaniques.
Patriotisme qui rime avec héroïsme,
se porte beaucoup quand "la
patrie est en danger", dans les temps d'invasion : 1870, 1914, 1940 pour
nous Français. En simplifiant outrageusement, on pourrait dire que le
patriote est prêt à mourir pour sa patrie, tandis que le nationaliste
est prêt à massacrer au nom de la patrie.
Mais en fait cette
formule "mourir
pour la patrie" est très
floue et relève nettement de la langue de bois pour monuments aux morts.
Elle va couvrir aussi bien la défense du territoire (action patriotique)
que l'invasion de pays voisins ou la colonisation d'une lointaine contrée
qui avait le malheur d'être riche en pétrole ou en manganèse
(action nationaliste). Les soldats de l'an II, d'abord mobilisés pour
la défense de la nation, finissent par se retrouver au service de Napoléon,
et ceux qui disparaissent sur les champs de bataille de Russie et d'ailleurs,
ne sont pas morts pour la défense de la France, mais pour satisfaire
les ambitions démesurées d'un individu qui avait malheureusement
un sens pathologique de la famille.
Lorsqu'on s'éloigne de ces temps d'épreuves,
le terme patriotisme très associé à des images guerrières,
semble facilement de mauvais goût et pour tout dire hors de saison. Pourtant,
je crois stratégiquement indispensable de le conserver et de le définir
en opposition résolue au terme nationalisme. Faute de quoi ces émotions
collectives évoquées plus haut seront annexées par les
organisations d'extrême-droite qui s'en serviront une fois de plus pour
dévoyer des secteurs importants de la population.
Des définitions provisoires
Le patriotisme , c'est l'élargissement à la
nation dans laquelle on vit, de l'amour oblatif que l'on peut
ressentir pour sa famille, ses proches.
Il est solidarité avec un peuple bien plus qu'attachement à une
terre. Dans un pays plusieurs fois envahi, la modalité guerrière
ne doit pas masquer d'autres facettes qui s'appellent aujourd'hui : souci
du bien public, civisme, souci écologique, volonté démocratique,
sens de l'hospitalité… Celui qui aime vraiment son pays est
plutôt
soucieux du bonheur et de l'épanouissement des gens. Il est attentif à tout
ce qui pourrait entacher l'honneur de son pays : tortures, brigandage colonial,
exploitation des enfants, corruption, etc.
Le nationalisme, c'est l'élargissement à la nation des sentiments
de possessivité et de supériorité (chauvinisme) souvent
accompagnés de haine, de rejet et de mépris à l'égard
des autres (xénophobie et racisme). Le nationaliste est attaché à une
terre dont il voudrait pouvoir chasser, en temps de paix, non seulement
les étrangers
mais aussi tous ceux dont les ancêtres sont venus d'ailleurs. Il
vit comme perte irréparable, l'accès à une certaine
indépendance
des pays coloniaux, il se réjouit comme d'un succès personnel,
quand des sportifs de sa nationalité raflent des médailles
et il s'afflige s'ils perdent un match . Parmi les slogans dont il aime
orner
les murailles et les défilés, "La France aux Français" est
sans doute le plus ancien et le plus constant. "Mort aux…" l'accompagne
souvent avec un complément qui varie et n'a pas une énorme
importance pour lui, car l'essentiel est dans l'expression de cette envie
de massacre
longuement frustrée et révélatrice d'une enfance massacrée.
Igor Reitzman
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