Quand l'école renforce la maltraitance
L'une des fonctions urgentes d'un
système éducatif
digne de ce nom devrait être de permettre aux enfants
maltraités
de ne pas devenir des parents maltraitants. Or nous sommes
bien obligés de constater que non seulement l'école
se désintéresse de cette fonction, mais qu'en
outre, elle ajoute sa propre persécution à la
persécution
parentale sur ces enfants-là.
Eliante, à 8 ans, ressemble fâcheusement
au géniteur
parti quand elle n'était encore qu'une promesse. Ce
funeste rappel cristallise depuis toujours une rage sans fond
chez la
femme abandonnée, et les cris de haine ont été la
sonorisation ordinaire dès le biberon. Aussi, son comportement
et son visage ne cessent de dire la peur et la fermeture. A
tout moment elle sait trouver le geste et le mot qui lui permettront
de retrouver dans l'école le rejet, son compagnon obligé.
De la classe, c'est le mur, dans le fond, qu'elle connaît
le mieux. C'est là qu'elle est envoyée en exil
chaque fois qu'elle est "méchante".
Au premier rang, Sarah qui n'a que 6 ans
appartient à la
catégorie
des enfants leaders. Gracieuse, rieuse, curieuse, participant volontiers à la
classe, elle est de celles qui dans la cour organisent les jeux, consolent,
apaisent... La tendresse et la sécurité l'ont depuis toujours
accompagnée
; elle est entrée dans ce milieu inconnu du Cours Préparatoire
avec une confiance paisible ..
.
Maria, l'institutrice est une femme de bonne volonté mais
rien ne l'a préparée à s'occuper
des enfants maltraités. Elle est capable de douceur, de chaleur même,
avec les enfants dociles et tendres. Son besoin d'être aimée se
satisfait plutôt bien dans cette relation, mais elle n'est pas prête à donner
aux mal-aimés enfermés dans leur souffrance méfiante et
rejetante. Donner de la chaleur à l'enfant qui vient de brutaliser son
voisin, est-ce que ce ne serait pas offrir une prime à l'agresseur ?
Elle s'indigne, bien sûr, lorsqu'elle entend parler à la radio d'enfants
battus à mort mais lorsqu'elle est dans sa classe, elle a une préférence
manifeste pour les enfants souriants, détendus, coopérants, bref
pour les enfants qui se sont donnés la peine de naître dans des
familles aimantes. A l'école aussi, on ne prête qu'aux riches
...
Quant aux enfants "agressifs", pour leur offrir
autre chose que des sermons culpabilisants et des punitions qui les confirmeront
dans
leur
hargne
contre eux-mêmes et contre les autres, il faudrait non seulement une
formation en profondeur que jamais on ne lui donna mais aussi une modification
de tout
le système scolaire. De cela nous parlons ailleurs. (voir Un
système vraiment éducatif )