L'invention du peuple juif
"Mon ange marchera devant toi, et
te conduira
chez les Amoréens, les Héthéens, les Phérézéens,
les Cananéens, les Hévéens
et les Jébuséens,
et je les exterminerai." (Exode, XXIII, 20)
"Le moi se pose en s'opposant".
Amiel l'avait bien dit et chacun a pu le vérifier. En
ce qui me concerne, je me suis construit en opposition aux dogmes
qui m'avaient été assénés jour après
jour dans la prison protectrice d'un collège catholique
entre 1940 et 1946. Mon père, issu d'une famille juive
de Moscou, avait été interné à Drancy
puis déporté à Auschwitz et liquidé en
septembre 1942. A travers lui comme pour des millions d'autres,
ce n'était pas une religion qui était persécutée
puisqu'il était clairement athée. Les nazis et
leurs amis vichyssois massacraient des êtres humains en
invoquant leur appartenance à une prétendue race
juive. En opposition réfléchie à cette dangereuse
fiction, je pense (depuis 60 ans) qu'il existe une religion juive
très ancienne et des cultures juives, mais qu'il n'y a
pas plus de race juive que de race chrétienne ou de race
musulmane, pas plus de peuple juif que de peuple chrétien
ou de peuple musulman. Résolument rationaliste, je suis
convaincu – comme d'ailleurs un nombre croissant de croyants – que
la Bible n'est en rien un ouvrage historique.
Les thèmes du Peuple élu et de la
Terre promise m'intéressent
comme mythes, comme fruits imaginaires d'une réalité historique à retrouver.
Plus concrètement je vois ces mythes comme surcompensation imaginaire
cultivée par une population réduite en esclavage (1). Ils
m'intéressent
surtout comme constituants à l'œuvre dans le psychisme de populations
travaillées aujourd'hui par le récit biblique. Si les juifs
pensent appartenir au Peuple élu, cette croyance irrationnelle
va engendrer des effets réels, au plan individuel comme au plan collectif.
Illustration parmi d'autres du théorème de Thomas (Si les hommes
définissent
leurs situations comme réelles, elles sont réelles dans leurs
conséquences). Penser qu'ils ont des droits sur un territoire qui
leur aurait été donné par Dieu lui-même, donne
aux Juifs religieux, un sentiment très fort de légitimité lorsqu'ils
chassent de leurs maisons, les Arabes qui y vivaient depuis plusieurs générations.
"Comment le peuple juif fut inventé"
Je suis reconnaissant à Eric Rouleau
de m'avoir fait connaître ce livre de l'historien Shlomo
Sand (1), professeur à l'Université de Tel-Aviv
(Le
monde diplomatique de mai 2008). C'est seulement en le lisant
que je comprends à quel point ma conviction instinctive était
abstraite, mal étayée
puisqu'elle coexistait avec des bribes de mémoire collective
judéo-chrétienne auxquelles j'attribuais sans y
avoir réfléchi, une valeur historique. Il peut
exister aujourd'hui un peuple israélien, mais il n'y a
pas de peuple juif. En soulignant que dans ce peuple israélien,
il y a une minorité importante de culture musulmane et
que les juifs eux-mêmes sont loin d'être tous dans
une croyance traditionnelle.
C'est, en septembre dernier, un excellent article de Marc Riglet dans Lire qui
m'a vraiment décidé à acheter le livre. Pour prendre
connaissance de cet article, cliquez sur Critique
des origines
Igor
Reitzman le 11 12 08
(1) On peut rapprocher cette production hébraïque,
de la croyance installée dans les multitudes chrétiennes
surexploitées, qu'après la mort, la béatitude éternelle
viendra pour elles, tandis que leurs exploiteurs ne pourront
entrer au paradis (On se souvient de la formule "Il est
plus facile à un chameau de passer par le chas d’une
aiguille qu’à un riche d’entrer dans le Royaume
des cieux")
(1) Le prix Aujourd'hui en
2009 a récompensé son livre, «Comment
le peuple juif fut inventé» (Fayard). Il a été décerné par
un jury de journalistes (Jacques Julliard, Christine Clerc,
Jean Boissonnat,
Alain Duhamel, Jean Ferniot, Franz-Olivier Giesbert, Catherine
Nay, Alain-Gérard Slama, Philippe Tesson…),
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