Accueil > Sommaire >La liberté de l'esprit

Jaurès affirmait :
    "Le courage, c'est de chercher la vérité et de la dire ; c'est de ne pas subir la loi du mensonge triomphant qui passe, et de ne pas faire écho, de notre âme, de notre bouche et de nos mains aux applaudissements imbéciles et aux huées fanatiques.
"

    A son tour, en pleine hystérie nationaliste et tandis que la grande boucherie militaire fonctionne à plein régime, Romain Rolland invite les Européens à conquérir la liberté de l'esprit
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LA LIBERTE DE L'ESPRIT...


Le pire mal dont souffre le monde est, je l'ai dit maintes fois, non la force des méchants, niais la faiblesse des meilleurs. Et cette faiblesse a en partie sa source dans la paresse de volonté, dans la timidité morale. Les plus hardis sont trop heureux à peine dégagés de leurs chaînes, de se rejeter dans d'autres ; on ne les délivre d'une superstition sociale que pour les voir, d'eux-mêmes, s'atteler au char d'une superstition nouvelle. N'avoir plus à penser par soi-même, se laisser diriger... Cette abdication, c'est le noyau de tout le mal. Le devoir de chacun est de ne point s'en remettre à d'autres, fut-ce aux meilleurs, eux plus sûrs, aux plus aimés, du soin de décider pour lui, de ce qui est bien ou mal, mais de le chercher soi-même, de le chercher toute sa vie s'il le faut, avec une patience acharnée. Mieux vaut une demi-vérité qu'on a conquise par ses propres forces, qu'une vérité entière qu'on a apprise d'autres, par cœur, comme un perroquet. Car une telle vérité que l'on adopte les yeux fermés, une vérité par soumission, une vérité par complaisance, une vérité par servilité, cette vérité n'est qu'un mensonge.
Homme, redresse-toi ! Ouvre les yeux, regarde ! N'aie pas peur ! Le peu de vérité que tu gagnes par toi-même est la plus sûre lumière. L'essentiel n'est pas d'amasser une grosse science, mais petite ou grosse, qu'elle soit tienne et nourrie de ton sang, et fille de ton libre effort. La liberté de l'esprit, c'est le suprême trésor.

  Romain Rolland (Les précurseurs, 1917)


    J'aime beaucoup ce texte à la fois lyrique et lucide. En même temps, je pense qu'il est surtout valable s'il introduit à un travail effectif de remise en question de ses propres évidences.

    Pour s'y préparer, on peut par exemple passer par
Petite contribution à une  formation
de l’esprit critique