Le rêve
d'un chanoine-président
On ne sait si N. S. y croit. Ce qu'on sait maintenant,
c'est qu'il voudrait bien que le petit peuple retrouve
ses croyances d'autrefois. Comme dirait Racine,
"Il s'en est vanté assez publiquement."
Qu'on reprenne son discours du
20 décembre
en la basilique St-Jean de Latran :
" Mais un homme qui croit, c'est un homme qui espère.
Et l'intérêt de la République, c'est qu'il y ait
beaucoup d'hommes et de femmes qui espèrent."
Visiblement le texte est incomplet.
Qui croit qui ? Qui espère quoi
? Il est urgent de rétablir le texte
dans sa profonde vérité.
Il faut lire certainement :
" Mais un homme qui croit son
curé,
c'est un homme
qui espèredans l'au delà.
Et l'intérêt des amis du Président de la République,
c'est qu'il y ait beaucoup d'hommes et
de femmes qui espèrent dans
l'au-delà. "
Un homme qui espère trouver un bonheur sans fin après la mort,
trouvera futiles les problèmes de logement et de pouvoir d'achat
!
Et s'il prend pour argent comptant le message évangélique annonçant
qu'il est plus facile à un chameau de passer par le chas d’une
aiguille qu’à un riche d’entrer dans le Royaume des cieux,
le prolétaire se sentira plein de compassion aussi bien pour le Pape
condamné à vivre dans un palais somptueux,
que pour les amis
du Président
de la République
ainsi voués à l'Enfer…
Du XIXème au XXIème siècle
Le dicours clérical s'est déguisé
Dans cette Europe du XXIème siècle touchée par le virus
démocratique et dans laquelle on ne peut faire le moindre discours sans
qu'il soit aussitôt communiqué au vulgaire, un homme d'Etat est
obligé de déguiser sa pensée, de cultiver l'euphémisme
et l'ellipse…
En 1850, le comte de Montalembert, chef du parti catholique
s'adressant à ses collègues de l'Assemblée Nationale,
ne dit pas autre chose que N.S., mais sachant que
les ouvriers ne liront pas
le Moniteur Universel ,
il ose
parler sans détour et sans déguisement,
avec l'objectif
de faire adopter la loi Falloux
qui confiera à l'Eglise, l'enseignement primaire.
" Je dis que la doctrine catholique ,
que nous voulons propager
dans le peuple français
par la liberté de l'enseignement,
inspire et crée
le respect,
en plaçant les droits de l'autorité
à côté des
droits de DIEU même ...
Elle dit aux peuples qui croient en elle
:
Respectez ce nouveau pouvoir,
non seulement obéissez-lui, mais
respectez-le dans votre coeur.
Voilà ce que fait la religion catholique
pour l'autorité.
Je n'ai point à répéter ce qu'elle fait pour la propriété.
J'ajouterai un seul mot,
comme propriétaire et parlant à des
propriétaires,
avec une franchise entière,
parce que nous sommes ici, je pense,
pour nous dire la vérité
les uns aux autres, sans détour.
Quel est le problème aujourd'hui ?
C'est d'inspirer le respect de
la propriété à ceux
qui ne sont pas propriétaires. Or je ne connais qu'une recette
pour
inspirer ce respect ,
pour faire croire à la propriété
à ceux
qui ne sont pas propriétaires,
c'est de leur faire croire en DIEU
!
Et non pas au Dieu vague de l'éclectisme,
de tel ou tel autre
système,
mais au Dieu du catéchisme, au DIEU qui a dicté le Décalogue
et qui punit éternellement les voleurs...
Voilà la seule
croyance réellement populaire
qui puisse protéger efficacement
la propriété.
Oui, nous avons cherché trop longtemps
à faire perdre de vue l'explication
divine
des souffrances de cette vie,
de l'inégalité des conditions
du travail, de la peine.
Eh bien maintenant, ayant écouté nos enseignements,
il ne veut plus accepter ni cette inégalité des conditions,
ni
le travail, ni la peine.
Nous lui avons appris à ne plus attendre,
à ne
plus mériter sa part dans le bonheur céleste
et il en résulte
qu'il réclame le bonheur sur la terre.
Et il veut être heureux à nos
dépens, remarquez-le bien !
A la place de cette part des espérances
du ciel
que nous lui avons ôtée,
il demande une part dans notre
patrimoine, et la plus grosse !
Oui, c'est ainsi que nous payons la rançon
de son incrédulité."
"Qui
donc défend l'ordre et la propriété
dans
nos campagnes ?
Est-ce l'instituteur qui a été si longtemps caressé,
choyé par les propriétaires, les bourgeois comme on dit aujourd'hui
?
Non, il faut bien le dire, c'est le curé. Je dis qu'aujourd'hui le curé,
le clergé en général, les prêtres ayant charge d'âmes,
représentent l'ordre, même pour ceux qui ne croient pas...
Ils représentent à la
fois l'ordre moral,
l'ordre politique, l'ordre matériel.
"Il y a en France deux armées en
présence :
elles sont chacune de
30 à 40.000 hommes.
C'est l'armée des instituteurs et l'armée
des curés.
Eh bien ! Encore une fois, je demande si c'est l'armée
des instituteurs qui défend l'ordre. Il y en a quelques-uns de très
bons, mais il y en a beaucoup plus de médiocres et en bloc, le corps,
je crois, est aujourd'hui jugé.
De quoi se compose la seconde armée, l'armée opposée ?
Dans
ces 30 ou 40.000 curés de campagne,
il y en a quelques-uns qui sont infectés
de ce qu'on appelle
le catholicisme démocratique (...) mais
je dis
qu'en bloc, le corps est excellent, qu'il fonctionne
admirablement
dans sa
mission sociale.
Savez-vous quel est le grand service que rendra au peuple français
l'Eglise, si elle peut y reprendre le rôle qui lui convient
par l'éducation
et par le catéchisme ? (...) Elle dira à l'homme :
Tu es poussière
et ta vie entière doit être une vie de souffrances
et
de luttes dont le prix n'est pas ici -bas."
Montalembert, le Moniteur Universel, 1850, p. 197 (17
janvier)
Il faut revenir à la Bible
Vous me direz sans doute qu'il
n'était
pas nécessaire
de connaître
le discours de Montalembert, pour apprécier
la contribution éminente
des religions chrétiennes à la
soumission et à la résignation.
Même
les catholiques ont maintenant, Dieu merci !
le droit de lire
la Bible, une Bible
généreuse en épisodes
qui montrent avec
insistance ce qu'il en coûte de désobéir,
une Bible qui valorise la soumission extrême :
Désobéir, c'est risquer
la mort et bien pire encore
La
femme de Loth est mise à mort pour avoir transgressé l'interdiction
de se retourner sur Sodome en feu (Genèse, XIX, 26),
comme est mis à mort cet homme qui avait
" ramassé du
bois le jour du Sabbat" (Nombres, XV, 35).
C'est
l'épisode
du péché originel qui, à juste
titre, impressionne le plus :
Le premier couple humain goûte
une seule fois un fruit interdit,
et cette faute, que beaucoup
trouveront vénielle,
est punie
non seulement dans les coupables chassés du
Paradis Terrestre,
mais aussi dans la totalité de leur
descendance jusqu'à la fin des temps.
Le sacrifice d'Abraham (Genèse, XXII)
A l'opposé de
ces châtiments exemplaires, nous trouvons le modèle
vénéré,
l'acte fondateur des trois religions
du Livre,
Pour obéir à l'ordre divin,
Abraham n'hésite pas à lever le couteau du sacrifice
sur son enfant
qu'il a déjà ligoté sur
le fagot.
Si Dieu vous l'ordonne, êtes-vous
prêt
- comme Abraham -
à tuer votre propre enfant ?
Et il ne s'agit pas seulement d'obéir à Dieu,
mais aussi à ceux qui
sur terre sont censés le
représenter.
C'est chez l'apôtre Paul
révéré
par l'Eglise romaine aussi bien
que par les Eglises protestantes,
que l'on trouve exposée
le plus fermement la doctrine :
"Que tout homme soit soumis
aux autorités qui exercent le pouvoir,
car il n'y a d'autorité que par Dieu,
et celles qui existent sont établies
par lui.
Ainsi celui qui s'oppose à l'autorité
se rebelle contre
l'ordre voulu par Dieu, etc."
(Epître aux Romains, XIII,
Bible de Jérusalem
p. 1507)
Et le pape LEON XIII, dans son Encyclique "Immortale
Dei",
en 1885 (4
ans avant la naissance d'Adolf Hitler), s'y réfère,
confirmant
avec éclat cette position :
" Lorsque les sujets seront bien convaincus
que l'autorité des souverains vient de DIEU,
ils se sentiront obligés
d'accueillir docilement
les ordres des princes...
car il n'est pas plus permis
de mépriser le pouvoir légitime,
quelle que soit la personne
en qui il réside,
que de résister à la volonté de
Dieu.
Qui résiste au pouvoir résiste à l'ordre établi
par Dieu,
et ceux qui lui résistent
s'attirent à eux-mêmes
la damnation."
La damnation ! C'est-à-dire la condamnation aux
peines de l'Enfer...
Souffrir éternellement l'agonie de Jeanne d'Arc...
Pour le croyant traditionnel, il y avait là, matière à réflexion
Evidemment,
vous
pensez, cher lecteur, à ce
fameux concordat
qui, en 1933, consolide une légitimité déjà gagnée
dans les urnes
et qui rendra très difficile, même en
1945, toute résistance
à un pouvoir génocidaire
aux abois.
Igor Reitzman - 29 02 08
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