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Soumission à l'autorité

   " Ceux qui vivent sous l'obéissance doivent se laisser conduire aux ordres de la Providence divine par le moyen de leurs Supérieurs, comme s'ils étaient des cadavres qui se laissent porter de tous côtés et manier de la façon que l'on veut, ou bien comme le bâton qui est dans la main d'un vieillard pour lui servir en quelque lieu et pour quelque cause que ce soit." 

(Saint IGNACE de LOYOLA , Constitutions, p.VI. C.I.)

Les objectifs du dressage

   La valorisation de la soumission est très générale dans notre société : enfant sage, bon élève, bon élément, collaborateur sûr… Selon l'institution concernée, l'expression peut varier mais le raisonnement implicite reste le même. Celui qui fait où on lui dit de faire, sans jamais protester, objecter, interroger, hésiter, manifester le moindre désaccord, la moindre réticence, celui qui s'empresse pour prévenir vos moindres désirs, c'est tellement reposant !
    Pour fonctionner efficacement, toute collectivité - quel que soit son niveau, quels que soient ses objectifs - réclame des activités coordonnées. Le fait qu'il y ait une autorité qui ordonne et coordonne, n'est pas en soi choquant. L'obéissance suffirait. Mais derrière les objectifs officiels des institutions, il y a les émotions et les besoins plus ou moins pathologiques des individus placés dans les positions d'autorité : parents, enseignants, chefs de service, patrons, chefs d'Etat…


   Certains philosophes ont poussé très loin la valorisation du dressage. Citons par exemple FICHTE qui, dans son célèbre Discours à la Nation allemande (en 1807), ose écrire :
"… La nouvelle éducation doit consister essentiellement en ceci : elle détruit complètement la liberté de la volonté dans le sol qu'elle entreprend de cultiver… Si vous voulez influencer un enfant, vous ne devrez pas vous contenter de lui parler : vous devrez le modeler et le modeler encore, en sorte qu'il ne puisse même plus rien souhaiter qui ne soit conforme à ce que vous désirez vous-même le voir souhaiter."

Dans un autre document, je reviens largement sur la contribution décisive de la religion à l'installation de la soumission. Mais les athées ne sont pas nécessairement sur des positions différentes : Dans le manuel soviétique "Parents et enfants" publié par l'Académie des Sciences Pédagogiques de MOSCOU en 1961, on peut lire :
" L'enfant doit obtempérer aux ordres des adultes. C'est la première chose qu'il faut lui apprendre. L'enfant doit satisfaire les exigences des personnes plus âgées."

   Il y a une cohérence entre les exigences de la famille patriarcale, le fonctionnement de l'école, la morale religieuse, les besoins des entreprises et de l'Etat. Trois chapitres montrent comment la famille traditionnelle, la religion et l'enseignement contribuent à l'installation de la soumission.


Où conduit la soumission ?

" Je considérais comme mon premier devoir de porter secours en cas de besoin et de me soumettre à tous les ordres, à tous les désirs de mes parents, de mes instituteurs, de monsieur le curé, de tous les adultes et même des domestiques. A mes yeux, ils avaient toujours raison quoi qu'ils eussent dit."
                                                                (RUDOLF HOESS, commandant du camp d'AUSCHWITZ)


     Dans un Etat policé comme le nôtre, l'insoumission conduit à la prison. Mais où conduit la soumission ? On sait maintenant grâce aux travaux de STANLEY MILGRAM, que les plus monstrueuses entreprises d'asservissement et d'extermination ne sont pas accomplies par des monstres sadiques mais par des armées de gens soumis d'une extrême banalité (la fameuse "banalité du mal" évoquée par HANNAH ARENDT qui s'était intéressée au personnage d'EICHMANN).

Igor Reitzman  

 

Pour aller plus loin :

1- La soumission

2- De l'éducation au dressage
en Europe à la fin du 19° siècle
(1)

- Ecole et soumission  
- Religion et soumission 
- Famille et soumission
Le bizutage comme couronnement du dressage

 - La question la plus importante

 

(1) Il s'agit de réfléchir sur la pratique des éducateurs (disciples ou non du sinistre et vénéré Dr Schreber) qui, dans les années 1880-1914, ont façonné les maîtres et les exécutants des grands Etats totalitaires du XXème siècle (Hitler est né en 1889, Mussolini en 1883, Franco en 1892, Staline en 1878...)

 

 

 

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