De CROMWELL et BALFOUR à WILSON
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TRUMAN - CARTER et les autres...
Voici un article emprunté au site de l'Observatoire
des religions
http://www.observatoiredesreligions.fr/spip.php?article199
avec quelques modifications typographiques
dimanche 23 septembre 2007 -
Parmi les informations les plus intéressantes du
livre de John Mearsheimer et Stephen Walt, "Le lobby pro-israélien
et la politique étrangère
américaine", on notera les passages consacrés
au sionisme chrétien p. 146 et suivantes.
Le sionisme chrétien, rappelons-le, est apparu
au 17e siècle au sein du puritanisme protestant.
Ainsi, Oliver Cromwell (1599–1658) a-t-il été le
premier chef d’État à réclamer la création
de l’État d’Israël. Il sera suivi par une longue lignée
d’hommes politiques anglais qui du Premier ministre Benjamin
Disraeli (intervention à la
conférence de Berlin, 1894-1895) à Arthur Balfour (1917) [1] feront
de cette création un des objectifs de l’Angleterre dans cette région.
Aux Etats-Unis, les présidents Woodrow Wilson et Harry Truman ont été aussi
influencés par ce mouvement.
Plus récemment, Jimmy Carter partageait cette idéologie
: dans ses mémoires, l’ancien président des Etats-Unis affirme
en effet que l’héritage baptise sudiste lui avait donné une « affinité » avec
Israël dont la création avait été « ordonnée » par
Dieu : « L’établissement de l’Etat moderne
d’Israël
est l’accomplissement de la prophétie biblique. », écrit-il.
Si la création de l’Etat d’Israël en 1948 a donné un
second souffle au mouvement, la guerre des Six-Jours, que ses chefs de file considéraient
comme un « miracle de Dieu » , l’a véritablement fait émerger
comme force politique.
Les sionistes chrétiens ont considéré l’occupation
par Israël de la totalité de Jérusalem et de la Cisjordanie
(qu’ils appellent Judée-Samarie) comme l’accomplissement de
la Bible, et ces « signes » les ont encouragés ainsi que d’autres
chrétiens évangéliques à faire en sorte que les Etats-Unis
soient du « bon côté » lorsque viendra la
fin des Temps. [2]
John Hagee [3] , fondateur du Christians United for Israël (CUFI) aux Etats-Unis
est tout à fait explicite : « nous soutenons Israël parce que
toutes les autres nations ont été créées par la volonté des
hommes, mais qu’Israël a été créé par
la volonté de Dieu ! ». Hagee, qui a déclaré à ses
partisans que « Dieu est opposé à ce qu’on cède
la terre d’Israël » [à des non-juifs], prétend
que son mouvement a récolté plus de 12 millions de dollars pour
aider de nouveaux immigrés à s’installer en Israël,
y compris dans les colonies des territoires occupés. Un autre sioniste
chrétien américain, le défunt De McAteer, fondateur de la
Religion Roundtable, a déclaré que « chaque grain de sable
qui se trouve entre la mer Morte, le Jourdain et la mer Méditerranée
appartient aux juifs. Cela inclut la Cisjordanie et Gaza ». Dans la même
catégorie, citons Malcolm Hedding, directeur de l’ICEJ (Internationional
Christian Embassy Jerusalem ) : « nous défendons l’Alliance
avec Abraham, par laquelle la terre que Dieu a donnée à Abraham
est à Israël [...]. Un Palestinien, ça n’existe pas ».
[4]
Le 3e Congrès international des Sionistes chrétiens
en 1996 a proclamé,
pour sa part, que « la Terre qu’Il a promise à Son Peuple
ne [devait] pas être divisée [...]. Les nations prêtes à reconnaître
un Etat Palestinien en terre d’Israël commettraient une grave erreur ».
Le leader de la droite chrétienne Pat Robertson, ancien candidat à l’investiture
républicaine pour les présidentielles, a interprété l’attaque
cérébrale dont a été victime le Premier Ministre
Ariel Sharon en janvier 2006 comme une punition divine répondant à sa
décision de se retirer de la bande de Gaza : « Il divisait la terre
de Dieu, et je veux dire : « Malheur au Premier Ministre israélien
qui suivra la même voie pour apaiser l’[Union européenne],
les Nations Unies ou l’Amérique » [...]. Dieu dit : ‘Cette
terre m’appartient, et vous feriez mieux de ne pas y toucher’. » Robertson
s’est excusé. On pourrait multiplier les citations de ce genre de
personnages de la droite américaine en ce début du 21e siècle
[5] .
Méfiance du côté juif
Du côté juif, même si l’on apprécie l’appui
des sionistes chrétiens aux Etats-Unis pour soutenir une politique favorable à Israël,
toute méfiance n’a pas disparu, les juifs craignant que l’objectif
chrétien à long terme soit la conversion en masse du peuple élu.
Gershom Gorenberg, universitaire américain, rédacteur en chef du
Jerusalem Report, écrit non sans humour : « Nous leur plaisons
en tant que personnes de leur histoire, leur pièce de théâtre
[...] et c’est une pièce de théâtre en cinq actes de
laquelle les juifs disparaissent au quatrième » .
L’histoire d’Abraham
Quand on connaît l’influence exercée par ces différents
groupes et personnalités non seulement sur la politique d’Israël,
mais aussi sur celle de la Maison Blanche et le Congrès des Etats-Unis,
comment nier que l’histoire d’Abraham, si symbolique soit-elle, a
des effets dans la réalité de tous les jours encore aujourd’hui
? Il suffit de comparer l’histoire d’Abraham avec n’importe
quel autre mythe antique. Il est bien le seul à pouvoir donner des arguments
aux va-t-en-guerre de tout acabit.
Mearsheimer
John J etStephen M. Walt, Le
lobby pro-israélien
et la politique étrangère
américaine, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Nicolas
Guilhot, Laure Manceau, Nadia Marzouki et Marc Sarrasins-Upéry, La Découverte.
[1] Dans une lettre ouverte adressée à Lord Lionel Walter Rothschild
le 2 novembre 1917 par Arthur James Balfour, ministre britannique des Affaires Étrangères,
on pouvait lire :« Le gouvernement de Sa Majesté envisage favorablement
l’établissement en Palestine d’un foyer national pour le peuple
juif, et emploiera tous ses efforts pour faciliter la réalisation de cet
objectif, étant clairement entendu que rien ne sera fait qui puisse porter
atteinte ni aux droits civils et religieux des collectivités non juives
existant en Palestine, ni aux droits et au statut politique dont les Juifs
jouissent dans tout autre pays. »
[2] De fait, la Guerre des Six-Jours est un véritable tournant dans l’histoire
de l’Etat d’Israël, le problème et le drame des Territoires
occupés datant de la victoire écrasante remportée par l’armée
juive sur l’Egypte, la Syrie et la Jordanie.
[3] Comme par hasard, le nom de Hagée rappelle celui du prophète
Agée, qui a beaucoup milité pour la reconstruction du Temple de
Jérusalem après l’exil à Babylone.
[4] Robertson s’est ensuite excusé.
[5] Voici encore TomDelay, chef de la majorité de la Chambre des Représentants
a déclaré, lors d’une conférence politique annuelle
de l’AIPAC ( American Israel Public Affairs Committee) qui se proclame
ouvertement comme un lobby pro israélien, qu’il s’opposait à céder
un bout de terre aux Palestiniens : « J’ai voyagé en Judée
et Samarie, je suis allé sur le plateau du Golan. Je n’ai pas vu
de territoire occupé. J’ai vu Israël ». Ou encore le
sénateur James Inhoff déclarant à ses collègues dans
un discours expliquant pourquoi Israël avait droit à toute la Palestine
: « Voilà la raison la plus importante : parce que Dieu lui-même
l’a dit [...]. C’est à cet endroit [Hébron] que Dieu
est apparu à Abraham et lui a dit : ‘Je te donne cette terre’,
la Cisjordanie. » Cité in « La dimension théologique
du lobby israélien aux Etats-Unis », Marwan Bishara, Le Débat
Stratégique, n°30, janv. 1997.
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